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d'ethnomusicologie

Trois souhaits pour une nouvelle saison

Focus | 7 septembre 2021 | Fabrice Contri

A l’orée de la nouvelle saison 2021-22, Fabrice Contri, le directeur des ADEM, esquisse les grandes lignes qui inspirent nos futures activités : une programmation qui fera la part belle aux rencontres musicales pour goûter la diversité du monde, des activités pédagogiques qui tisseront des liens forts et durables entre les artistes, enfin le développement d’outils multimédias qui éclaireront le spectacle vivant. Trois souhaits, comme dans un conte…

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danseur burkinabePhoto extraite du spectacle SIA, un homme sans histoire est un homme perdu (c) Compagnie Donsen
présenté dans le cadre du prochain festival Les Nuits du Monde


Plus que jamais, il convient en ce début de saison culturelle d’éviter toute présomptueuse promesse. Sans doute est-il préférable d’annoncer « voici ce vers quoi nous concentrerons nos énergies » plutôt que « nous allons tout changer », « voilà ce à quoi nous aspirons » au lieu de « c’est sûr, nous ferons mieux demain ». Une des leçons de la Covid pourrait être de montrer de la mesure en chaque chose : émettre des souhaits et agir pour qu’ils se réalisent, et non point graver dans le marbre de vains serments. Faire de son mieux avec ce que l’on pense être du meilleur cru, oser certaines voies : il en a probablement toujours été ainsi parmi les gens de la Tradition…

Souhaitons donc que la saison 2021-2022 des Adem favorise :

  • 1 - Des rencontres musicales où nous goûterons pleinement la diversité du monde


Depuis février 2020 aux Adem comme partout ailleurs, il nous a fallu à maintes reprises défaire dans la hâte, quelques jours ou quelques heures avant un concert ou un festival, ce que nous avions soigneusement tissé durant des mois. Renoncer à nombre de voyages musicaux et aux rêves qui les portaient, l’espace d’évasion des salles de spectacle étant resté de longs mois silencieux et obscur.

La saison qui s’annonce cherchera à prendre davantage le temps qu’auparavant. Ainsi notre festival d’automne Les nuits du monde s’étalera-t-il non plus sur une semaine et demie mais sur tout le premier trimestre en espaçant les évènements, avec pour cœur la période habituelle de début novembre. De ce fait, cette programmation, intitulée cette année (V)ivre de musique, amènera à s’interroger avec un certain recul sur la place et la fonction de la musique – sans oublier bien évidemment la danse – au sein de diverses sociétés, d’hier et d’aujourd’hui. Nous avons choisi de développer plusieurs collaborations avec d’autres structures culturelles, notamment la Maison des Cultures du monde (Paris). Le nouveau calendrier du festival nous laisse plus de possibilités pour harmoniser nos dates avec celles de nos partenaires. Il nous importe en outre, dans un souci écologique, que les artistes – particulièrement ceux venant de loin – puissent se produire dans le cadre d’une tournée, et non pour un unique concert. Conjointement à ces collaborations, nous puiserons plus encore dans le creuset extrêmement riche des artistes vivant à proximité, immigrés ou non, incarnant avec talent la pluralité des pratiques musicales et dansées du monde

La seconde partie de l’année reviendra à une programmation qui avait dû se tenir à distance, « en streaming », début mars 2021. Notre festival d’hiver retournera en effet en Grèce en invitant, cette fois à Genève, plusieurs des artistes qui avaient concocté pour nous, l’an passé, divers clips vidéo depuis leur lieu de vie. Mousiki ! Musiques et danses de Grèce : le titre demeurera inchangé, le contenu sera légèrement modifié et étalé lui aussi dans le temps afin de pouvoir saisir au vol des artistes en tournée, et de permettre à notre public de répartir et organiser au mieux ses sorties culturelles.

Le printemps offrira quant à lui un véritable bouquet d’évènements ponctuels, en privilégiant la variété des répertoires et de leurs approches : fanfares d’Afrique de l’Ouest, polyphonies corses, musiques classiques d’Iran, Ars nova de la Renaissance française… Ces multiples univers vous seront révélés sur notre site internet et les réseaux sociaux au fil de l’année.Des activités pédagogiques qui tisseront des liens forts et durables entre les artistes et leur public.

  • 2 - Des activités pédagogiques qui tisseront des liens forts et durables entre les artistes et leur public

 

L’été 2021 a été marqué par le départ à la retraite d’Astrid Stierlin, chargée de pédagogie, qui avaient participé à la fondation des Adem. Julio D’Santiago lui a succédé. Ce musicien et musicologue suisse, d’origine vénézuélienne, a été recruté sur la base de propositions novatrices tenant compte de l’héritage que lui a légué Astrid, plus largement les Adem. Construire sans faire table rase, ouvrir de nouvelles perspectives sans bousculer tous les points de vue, il s’agira là encore d’une question de tradition ! C’est avec enthousiasme que toute l’équipe désire mettre plus en valeur, sur le devant de la scène, les enseignant.es qui œuvrent au sein de notre structure. Le spectacle Solaria, qui a illuminé fin juin l’Alhambra, augure de ce renforcement des liens entre les professeur.es des Adem afin de donner naissance à des créations originales, fruits d’une inventivité partagée. Dans cette optique également, nous projetons d’ouvrir cette année un « salon de musique » revêtant la forme de concerts intimes – moments privilégiés de rencontre et de dialogue autour d’une personnalité, d’un répertoire, d’un instrument de musique, d’une tradition – qui se tiendront dans nos espaces ou d’autres lieux.

 

  • 3 - Le développement d’outils multimédias qui éclaireront le spectacle vivant

 

Concerts, ateliers, conférences, salons de musique… voici autant d’occasions pour tirer le meilleur parti des outils multimédia auxquels la Covid, par la force des choses, nous a familiarisé. S’ils ne peuvent et ne doivent pas se substituer au spectacle vivant (https://www.adem.ch/fr/les-jardins-des-adem-ethique), à la véritable rencontre loin de tout écran, ils possèdent certains avantages… Disons plus précisément qu’ils proposent d’utiles compléments pour présenter un évènement ou le prolonger, préparer le terrain ou laisser des traces. Dans le contexte des concerts que nous organisons, la vidéo peut également ouvrir une fenêtre originale sur telle ou telle pratique musicale en la captant dans ses lieux d’origine. Tel en a été le cas lors de la version 2020 du festival Mousiki au cours duquel les Adem ont fait appel à des vidéastes en Grèce continentale et en Crète afin que les artistes qui auraient dû se rendre à Genève puissent tout de même jouer depuis « chez eux »… par écran interposé. Bien plus qu’un succédané, cette version « streamée » a donné l’opportunité de pénétrer dans l’univers quotidien des musicien.es. En mai 2021, c’est depuis le Burkina Faso, qu’une telle expérience, avec les moyens du bord cette fois, a été renouvelée à l'occasion du festival Badara. Il aura fallu beaucoup de motivation, voire de courage, aux organisateurs burkinabé pour braver les difficultés techniques liées aux conditions locales peu propices à une telle opération. Mais les deux principaux objectifs auront été atteints : soutenir des magnifiques initiatives, ouvrir des voies originales de découverte musicale.

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Le secret de la « résilience » – un mot tellement à la mode en ces temps de crise sanitaire – réside dans la capacité de s’adapter, d’inventer, et de (re)bâtir avec humilité. Sans doute y a-t-il ici une subtile alliance de rêve et de lucidité… en soi une forme d’espérance. Se dire que si dans le monde d’hier tout n’était pas si mal, il n’est pas aujourd’hui pour autant nécessaire de tout recommencer « comme avant ».

Ils vécurent heureux et… eurent beaucoup de projets !

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