Depuis l’automne 2021, la chanteuse colombienne Mónica Prada enseigne aux enfants les musiques latino-américaines dans le cadre de son cours « Chantons l’Amérique latine ! » au sein des ADEM. Ethnosphères magazine s’est entretenu avec elle pour faire une brève rétrospective de son parcours quant à la pratique et l’enseignement des expressions musicales latino-américaines.
Propos recueillis par Angela Mancipe
Mónica Prada dansant la cumbia lors d’un concert de l’ensemble Palenque la Papayera.
Photo : Archive de l’ensemble Palenque la Papayera
Parlez-nous un peu de votre parcours...
Je suis chanteuse, formée dans les domaines de la musique ancienne, des musiques latino-américaines et de la pédagogie musicale pour enfants. J’ai entamé ma formation musicale professionnelle à La Havane, où j’ai fait des études en musique et culture cubaines. Là-bas, j’ai découvert les musiques anciennes. Intéressée par l’approfondissement de mes connaissances sur cette musique, j’ai poursuivi des études au Centre de Musique ancienne de la HEM de Genève pendant plusieurs années, où je me suis concentrée sur la pratique et l’enseignement des répertoires polyphoniques européens du XVe au XVIIe siècle. Je me suis ensuite spécialisée dans le chant italien de la Renaissance au Conservatoire de Vicence en Italie.
Comment est né cet intérêt pour les musiques populaires de votre pays ?
De façon parallèle à ma formation et à ma pratique musicale dans les domaines des musiques dites "académiques », je me suis toujours intéressée aux musiques traditionnelles d’Amérique latine. Déjà toute petite, je chantais des airs du répertoire populaire latino-américain en compagnie de mon frère, en même temps que je voyais mon père chanter des vallenatos colombiens et de la música ranchera mexicaine en s’accompagnant lui-même à la guitare. En grandissant, je me suis penchée sur certaines musiques cubaines.
À mon arrivée en Suisse, je me suis consacrée aux différents mécanismes phonétiques d’émission vocale que l’on retrouve dans les régions oubliées de Colombie. Les stratégies de transmission musicale m’attiraient également. Beaucoup d’entre elles sont basées sur la transmission orale de leurs règles, de leurs techniques et de leurs répertoires.
Quelle ironie ! C’est finalement ici, en Suisse, que j’ai commencé à chanter davantage les musiques de mon pays. Guidée par José Contreras et en compagnie des musiciens de l’ensemble El Trinar de la Montaña, je me suis finalement adonnée à la recherche et à la pratique de musiques nord-colombiennes, au point d’enregistrer avec eux le disque Colombia mestiza, en 2004, avec l’aide des ADEM ! Quelques années plus tard, un groupe d’instrumentistes colombiens, pour la plupart d’anciens élèves de la HEM, avons crée Palenque la Papayera afin d’offrir un espace musical pour explorer principalement le répertoire de banda de la région caribéenne colombienne. Deux productions discographiques sont issues de cette exploration : Palenque (2012) et Ramón en Palenque, enregistré en 2015.
Pendant des années et lors de mes différents retours en Colombie, je me suis rendue aux manifestations populaires locales de la région nord-colombienne, notamment aux carnavales, aux festivales et aux ruedas de cumbia, tant dans la région pacifique que dans celle des Caraïbes colombiennes. Cela dans le but de m’imprégner des couleurs vocales et des spécificités rythmiques des différentes traditions, toujours vivantes et transmises à celles et ceux qui veulent les apprendre. Peu à peu, j’ai intégré le résultat de ces « petites recherches vocales », comme je les appelle, à mes propres pratiques et à l’enseignement.
Comment vous êtes-vous connectée avec d’autres traditions vocales du continent américain ?
Certains phénomènes culturels communs, comme la langue, facilitent les liens entre telle ou telle aire. Les différentes traditions vocales latino-américaines se trouvent aussi fortement reliées par leur histoire. Mais ce sont les singularités de chaque expression culturelle qui les rendent intéressantes. À titre d’exemple, les inflexions vocales et les variations mélodico-rythmiques du son jarocho mexicain partagent des éléments avec les pratiques vocales de la música llanera colombo-vénézuélienne. Néanmoins, cette dernière se distingue du son jarocho par ses registres vocaux plus amples, sollicitant presque exclusivement la voix de poitrine, même dans le registre aigu. Le contexte géographique explique cet usage : ce sont des chants qui doivent porter loin, destinés à être « déployés » dans les plaines, où la voix doit être projetée pour demeurer audible. Il s’agit là d’une forme d’émission vocale qui ne nécessite généralement pas d’amplification et qui est capable de dépasser l’intensité sonore des instruments accompagnateurs comme la harpe et les maracas.
Son jarocho. La Guacamaya, interpretée par La negra Graciana,
harpiste et chanteuse.
Música llanera. Nací llanera, interpretée par Nancy Vargas, chanteuse.
UN ESPACE POUR CHANTER L’AMÉRIQUE LATINE
À partir de l’automne 2021, vous proposez le cours « Chantons l’Amérique latine », destiné aux enfants. Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce cours ?
Il s’agit d’un cours hebdomadaire destiné à des enfants dès 5 ans. Nous explorons différentes chansons traditionnelles d’Amérique latine, qui relient la voix au mouvement du corps, la musique à la danse. Elles sont traditionnellement transmises de génération en génération.
Lors de chaque séance, nous abordons tout d’abord l’aspect rythmique à travers le corps, spécialement à l’aide des mains et les pieds. Ensuite, nous nous concentrons sur l’aspect mélodique, plus facile à saisir lorsque le rythme a été ressenti, assimilé. Comme nous reprenons des mélodies simples, celles-ci se fixent aisément dans la mémoire des enfants.
Il n’est pas obligatoire de parler espagnol. La musique s’avère un moyen excellent pour aborder une langue. Pour les enfants hispanophones, le cours offre un espace pour continuer de baigner dans leur univers originel, tout en se lançant dans une première pratique musicale.
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Infos concert 14 novembre : FANFARE COLOMBIENNE
Cours CHANTONS L’AMÉRIQUE LATINE !
Site web de l'ensemble Palenque la Papayera
Katia Meylan
Cette année, Les Nuits du Monde, organisées par les Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM) en collaboration avec la HEM, présentent quelques-uns des plus beaux récits de l'Histoire humaine, entre divertissement populaire et réflexion philosophique.
Katia Meylan
Dans l'imaginaire populaire, lorsque l'on pense à la Grèce, ce sont souvent l'Antiquité ou le sirtaki qui viennent à l'esprit. Fabrice Contri, directeur des Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM), convie les musiques de ce pays le temps d'un festival en mars prochain, permettant ainsi de sortir du carcan des clichés et d'aller à la rencontre d'une culture pétrie d'influences diverses.
Mathieu Clavel
Depuis plusieurs années, les ADEM se sont associés avec l’agence Voyages & Culture, pour proposer des voyages originaux qui mêlent intimement découverte des patrimoines architectural, culturel et musical des pays visités. Du 26 septembre au 4 octobre 2021, un groupe de voyageurs curieux s’est glissé dans les pas de Belà Bartok, un des pères de l’ethnomusicologie, sous la houlette de Doinița, guide et interprète roumaine, et de Mathieu Clavel, complice de longue date des ADEM, musicien et pédagogue, passionné des traditions musicales du monde. Ce dernier signe dans les lignes qui suivent un sympathique témoignage de cette aventure roumaine.
Angela Mancipe
Le 12 décembre prochain, à l’Alhambra, le quintet Halkias-Kostas clôturera l’édition 2021 de notre festival Les Nuits du Monde. Le concert s’articulera autour de l’album Soul of Epirus, enregistré en 2019 par le clarinettiste Petroloukas Halkias et par le laoutiste Vasilis Kostas. Dans un entretien chaleureux et décontracté, Vasilis nous parle du processus d’enregistrement de cet album, un témoin du patrimoine musical d’Épire.