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d'ethnomusicologie

Rencontre avec le Trio Barlovento

Focus | 21 janvier 2021 | Ana Maria Villamizar

Le trio Barlovento est composé des jeunes et talentueux musiciens Josefa Silva, Jorge Pacheco et Paloma Martin. Il était au menu de l’émission Zanzibar sur l’antenne de la RTS-Espace 2 le 15 janvier 2021. Ce concert a été enregistré à huis clos le 4 décembre dernier à l’AMR, Sud des Alpes, dans le cadre des Jardins des ADEM, un dispositif imaginé par F. Contri l’actuel Directeur des ADEM pour permettre aux artistes de jouer et d’être rémunérés malgré la fermeture des salles au public. La conversation qui suit est le fruit d’une entrevue sympathique avec Jorge et Josefa, fondateurs de Barlovento, par une journée ensoleillée du mois d’octobre dernier sur la plaine de Plainpalais à Genève. Paloma Martin, troisième membre du trio et étudiante à Milan, n’avait pas pu participer à cette rencontre. Dans les lignes qui suivent, Jorge et Paloma nous transmettent leur vision de la musique populaire latino-américaine et nous font part de leur conviction du pouvoir fédérateur de la musique.

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Propos recueillis par Ana Maria Villamizar; Photos et video : Jess Hoffman

 

Jorge Pacheco (guitare) et Josefa Silva (bombo), fondateurs de Barlovento.

Ethnomag : d’où vient le nom de votre groupe « Barlovento » ?

Barlovento : Barlovento est une chanson populaire d’origine vénézuélienne. Elle fait référence à une région montagneuse de l'État de Miranda au Venezuela. Elle évoque le souffle de l’océan, les bons effluves du cacao, mais aussi la ferveur des parades et de ses fêtes religieuses vénézuéliennes . Nous avons découvert cette chanson à travers une reprise de nos compatriotes Isabel et Angel Parra, dont la mère Violeta Parra fut une icône du « folklore » chilien. La chanson nous a littéralement enchanté.e.s et il nous est alors apparu comme une évidence d’en emprunter le titre pour baptiser notre jeune formation.

Parlez-nous de l’histoire de votre groupe Barlovento ?

B : Nous nous sommes rencontrés  à l’Université Catholique du Chili à Santiago pendant nos études de composition, en 2015. La musique populaire faisant partie de notre quotidien, nous avons tout simplement commencé à jouer ensemble lors de fêtes familiales et de réunions d’amis. Nous avons vite pris conscience de la capacité de cette musique à transmettre de profondes émotions et à réunir toutes les générations. Nous avons enregistré notre premier album El siglo se vuelve azul en 2016. Par la suite, nous nous sommes installés à Genève, où nous avons fait la rencontre de Paloma , qui s’est facilement intégrée au projet, car elle a baigné depuis son enfance dans les sonorités de la musique argentine. Cette nouvelle configuration en trio nous a offert la possibilité d’enrichir notre jeu mélodique et d’assumer nos propres créations, ce qui a donné lieu à la publication d’un nouvel album, Raíces bravas, sorti en 2019.

Quels sont vos sources d’inspiration ?

B : Nous avons déjà évoqué la mémoire de Violeta Parra. Dans la même veine, depuis notre enfance nous avons écoutés d’autres grands interprètes des musiques populaires, comme le groupe folklorique militant chilien Quilapayún, la grande chanteuse argentine Mercedes Sosa ou encore le célèbre compositeur et poète cubain Pablo Milanés, qui se sont tous mobilisés pour la préservation de la tradition musicale et pour les libertés sociales dans les années noires de la dictature militaire.

Vous évoquez régulièrement la Peña. Expliquez-nous ce que cela représente et son rôle dans votre musique ?

B : Au Chili et en Argentine, ce terme, la Peña désigne l’émulation qui nait de la réunion spontanée de plusieurs musiciens et d’un public :  la fête et la communion émergent  quand, par exemple, une guitare surgit, puis une flûte, lorsqu’on frappe des mains, qu’on chante et ainsi que  la musique prend son envol. Tout le monde y participe avec joie, effaçant  toute frontière entre musiciens et spectateurs.

Josefa, peux-tu nous dire en peu plus sur ton impressionnant tambour ?

B : Je l’ai ramené précieusement du Chili. C’est un instrument typique de la région des Andes du sud, qui a une grande portée sonore, très efficace pour se faire entendre dans l’immensité des montagnes.

Quels sont vos futurs projets ?

B : Un autre projet discographique est en préparation, composé entièrement de créations originales. Il consistera en une sorte de transcription musicale de l’expérience du voyage et de l’échange avec d’autres cultures. Cette thématique est née d’un voyage en Palestine et de rencontre avec d’autres répertoires de musique du monde. La date de sortie n’est pas encore définie, on pourra le trouver sur nos réseaux sociaux ou sur les plates-formes de téléchargement usuelles.

 

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En conclusion à cet entretien, Jorge et Josefa nous ont fait le plaisir d’interpréter un courte chanson issu de leur répertoire, que vous pouvez visionner en cliquant sur l’image ci-dessous, et dont nous ne sommes efforcés de traduire les paroles pour les lecteurs non-hispanophones :

Flor de Atacama

Flor de Atacama, chanson composée par Jorge, interprétée par Jorge à la guitare et Josefa au bombo, percussion traditionnelle des Andes.Texte (extrait de la vidéo)

En tu piel está marcada,

desierto y flor de Atacama

siempre hay verdad en tus ojos

tus palabras son del alma

tus palabras son del alma

 

Arduo y largo es tu camino

no pierdes tu sonrisa

aunque cruel sea el destino

 

Raíces de mi sangre

madre de mi madre

tu no dejas tu tierra

ya eres parte de ella

ya eres parte de ella

Ta peau est empreinte

du désert et de la fleur d'Atacama

la vérité irradie toujours de tes yeux

tes mots émanent de l'âme

tes mots émanent de l'âme

 

Ton chemin est long et difficile

tu ne perds pas ton sourire

aussi cruel que soit le destin

 

Racines de mon sang

mère de ma mère

tu ne quittes pas ta terre

tu en fais déjà partie

tu en fais déjà partie

 

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Pour aller plus loin :

La chanson Barlovento reprise par Isabel et Angel Parra : www.youtube.com/watch?v=wCExRks_4kg

Isabel et Angel sont les enfants et les héritiers, sur le plan musical, de la grande folkloriste chilienne Violeta Parra (compositrice de Gracias a la vida. Voici une version de deux des plus grandes interprètes de cette composition, Joan Baez et Mercedes Sosa : https://www.youtube.com/watch?v=rMuTXcf3-6A). Comme leur mère , ils ont consacré leur vie à la mise en valeur de la chanson chilienne et à la défense du droit à la libre expression durant une époque de brutaux changements politiques et de répression.

Retrouvez une autre version de la chanson Flor de Atacama, interprétée cette fois par le trio Barlovento au complet :

https://www.youtube.com/watch?v=QJiL6HtY0Wc

La page de l’émission Zanzibar consacrée au concert :

https://details.rts.ch/espace-2/programmes/zanzibar/

Écoutez les albums de Barlovento :

https://www.youtube.com/channel/UCA2fzGxX6AutnCI9wyi_cCw

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